Amenée malgré moi à traverser régulièrement une petite zone commerciale, je chérissais ce champ où chantait encore la vie, malgré la pollution de son air invisible. Une zone verte, originelle, pour laquelle vibraient le soleil, la pluie et la mémoire salée du bout du golfe léchant un chemin à moins de cinq cents mètres. Des genêts dépassaient même à son endroit.
Chaque fois, passant devant, je me disais « voilà un champ épargné par les hommes. Mais pour combien de temps ? ». Naïve, je me disais que peut-être, oui, peut-être, l’idée de profit allait-elle fondre comme neige au printemps, que les consciences allaient être raisonnables. Mais quelles consciences ? À la rigueur, même de travers, j’aurais avalé un « aménagement » en parc.
Une nature humaine en a décidé autrement. Après quinze jours éloignée, je reviens et découvre un champ de ruines. Plus aucune herbe n’a le droit de citer et les buldozers y turbinent.
Partout, les champignons pleurent car voici que pousse le béton chaque heure. Uniquement pour leurs petites affaires, le temps de sniffer une dose de capitalisme où les chiffres bien alignés attendent les suivants. On croit ce monde à l’agonie, mais c’est comme si, dans le déni, il continuait à chanter en oubliant que l’orchestre du Titanic disparut tout autant…
Le summum de l’absurdité de cette folie dévastatrice est qu’un parking complétera certainement le tableau pour accéder à ce nouveau commerce sans se fatiguer ! Mais l’urbaniste local y fera planter un ou deux arbres, « vous comprenez, c’est bon pour la biodiversité »…
L’archaïsme est le bouche-trou de l’ignorance. Arrachement. Mes yeux crient, mon corps pleure. Je préfère l’ermitage au mitage. Je ne me sens pas à ma place depuis que j’habite la lune.
En fait, je crois que j’ai toujours habité la lune…