La transe du non-silence

Hier samedi, était paraît-il un jour de transhumence pour congés payés.
Je l’ai ressenti par un silence unique en son genre, bizarre, un peu entre-deux.

Car habituellement, force est de constater – d’ouïr surtout – que le fait de manifester son Moi est une coutume incessante des mes congénères, sauf quand ils dorment (hormis les ronfleurs, les bruxomanes et les bavards bien sûr).

Comme si exister passait par l’obligation de se faire entendre d’un maximum de gens. Ah mais suis-je bête, c’est le cas…

La transe du bruit est quasi permanente, avec des degrés d’intensité hasardeux, mais toujours inconsciemment sous-tendus soit par une quête du “aimez-moi”, soit par une peur existentielle (en général liée à sa disparition consciente).

Ainsi, pouvons-nous avoir parfois des concerts verbaux frôlant le Larsen. Des claquements de toutes sortes de portes, à forte amplitude, comme si l’Autre, pourtant seulement à 10 mètres, était sourd comme un pot de lait. “Alpaguant” au passage nos pauvres conduits auditifs présents sur la scène du cri(me).

Je n’ai jamais pu comprendre cet engouement pour la transe. Non pas celle de ce courant musical, qui s’écrit d’ailleurs à l’anglaise “trance“, mais pour cette propension à prouver son existence au travers du bruit, bien sûr délivré sans ordonnance.

Il serait intéressant qu’un psychologue de profession se penche sur la question. “C’est MON chien – donc il aboie comme j’aboie” ; “c’est MA voiture – donc je klaxonne parce que je veux que tout le monde sache que quelqu’un de ma tribu se marie”, alors que l’on vient de se farcir le carillon du clocher voisin (ça aussi…) ; “c’est MA vie – donc je fais tout pour prouver que j’en ai une”.

Force est de constater qu’en ce qui me concerne, je me demande parfois (en permanence en fait) de quelle planète je viens, face à ces groupes ou grappes (clusters en anglais), qui ressentent le besoin de s’exhiber à coups de décibels.

La transe qui compense a hélas de beaux jours devant elle.